Jenan Moussa, journaliste pour Al-Aan TV, a partagé l’un des meilleurs fils de discussion sur la Syrie sur X.
Dans son analyse remarquable, Jenan Moussa explore les différents scénarios en cas de chute du régime du président syrien Assad.
Les implications pour la Syrie, selon elle, pourraient être les suivantes :
Si HTS et ses alliés prennent le contrôle de la Syrie, elle affirme qu’ils imposeront une interprétation stricte de la loi islamique (charia). Bien qu’il existe des différences (culturelles et historiques) entre HTS et les Talibans en Afghanistan, une Syrie dirigée par HTS deviendrait un État « Talibans-light ». HTS et son prédécesseur, Jabhat al-Nusra, ont un bilan désastreux concernant le traitement des minorités ethniques et religieuses. Leur prise de pouvoir entraînera une vague de réfugiés. Les chrétiens syriens, les Kurdes et d’autres minorités, selon elle, tenteront de partir, principalement vers le Liban, l’Europe ou les États-Unis.
Alors que la haine sectaire est intense en Syrie, les populations alaouites et chiites pourraient être exposées à de graves attaques de vengeance de la part de HTS et d’autres groupes d’opposition.
Elle écrit : « Il est très incertain ce qui arrivera aux régions de Lattaquié et de Tartous (zone côtière occidentale), où vit la majorité des Alaouites. C’est également la région où la Russie possède une base navale importante. Les Russes vont-ils évacuer ? Les Alaouites peuvent-ils défendre cette zone ? Totalement flou pour le moment.
Il en va de même pour les personnes liées aux institutions d’Assad : politiciens, journalistes, soldats, policiers, fonctionnaires, etc. Beaucoup craindront des représailles de HTS et de ses alliés et tenteront de fuir, soit vers le Liban, soit vers la Jordanie. D’autres pourraient rester et espérer le meilleur. Ou être contraints de se repentir.
Le sort des Kurdes en Syrie reste également très incertain pour le moment. Les zones contrôlées par les FDS dans le nord-est, où des troupes américaines sont également présentes, pourraient survivre grâce à la protection des États-Unis. Mais les troupes américaines sont uniquement présentes à l’est de l’Euphrate. Il n’y a pas de troupes américaines à l’ouest de l’Euphrate. Par conséquent, des endroits comme Sheikh Maqsoud (quartier kurde de la ville d’Alep), Tal Rifaat et Manbij (au nord/nord-est d’Alep) pourraient être envahis par HTS ou la SNA. Même Kobané et Raqqa sont vulnérables car les forces américaines sont situées à une distance assez éloignée.
La chute possible du gouvernement syrien aurait également des implications majeures pour l’est de la Syrie, où l’État islamique reste largement présent de manière clandestine. Si Deir Ezzor tombe, il faut s’attendre à ce que l’État islamique se regroupe et reprenne le contrôle de certaines parties de l’est de la Syrie et des zones désertiques de la province de Homs. L’EI et HTS s’affronteront.
Si le régime syrien du président Assad s’effondre, cela aurait de grandes répercussions sur le Moyen-Orient en général.
Pour la Turquie :
- La chute d’Assad signifie que la Turquie pourra considérablement étendre son pouvoir et son influence en Syrie via ses proxies (SNA et HTS). La Syrie faisait partie de l’Empire ottoman de 1516 à 1918.
- Élimination du rival historique de la Turquie : la Russie.
- La Turquie sera libre d’anéantir les forces kurdes qu’elle déteste en Syrie.
- Le président turc Erdogan pourrait renvoyer des millions de réfugiés syriens en Syrie, affirmant que « la guerre est terminée et Assad n’est plus là ». Cela augmenterait la popularité d’Erdogan.
Pour la Russie :
- Perte d’un allié et de sa base au Moyen-Orient.
- La Russie aurait été surpassée par la Turquie.
- Fin probable de la base navale de Tartous, établie en 1971 à l’époque de l’Union soviétique.
Pour Israël :
- L’Iran serait coupé de la possibilité de transporter des armes par voie terrestre à son proxy Hezbollah au Liban. Avec l’aéroport de Beyrouth et les ports libanais contrôlés de facto par les forces navales et aériennes israéliennes, le Hezbollah ne pourrait pas se réarmer. Une grande victoire pour Israël. De plus, l’armée iranienne perdrait l’accès au Liban et à la Syrie.
- À court terme, une Syrie dirigée par HTS resterait instable et faible, ce qui ne représenterait pas une menace pour Israël.
- À long terme, les groupes jihadistes finissent généralement par devenir incontrôlables ; Israël s’attendrait à ce que son allié occidental, la Turquie, contienne HTS.
Pour l’Iran :
- L’Iran perdrait un allié majeur dans la région, une catastrophe pour Téhéran.
- L’Iran ne serait plus capable de réarmer le Hezbollah.
- La puissance régionale de la Turquie augmenterait tandis que les intérêts chiites en Syrie, au Liban et même en Irak s’affaibliraient.
Pour les États-Unis :
- Expulsion des Russes de Syrie.
- L’allié honni de l’Iran, Assad, enfin renversé après une longue lutte.
- Le Hezbollah serait isolé au Liban.
Pour le Liban :
- Le Liban pourrait se retrouver coincé entre deux voisins : un Israël génocidaire et une Syrie dirigée par des jihadistes coupeurs de tête.
- Avec le Hezbollah affaibli, d’autres groupes religieux au Liban pourraient tenter de combler le vide, ce qui pourrait entraîner des tensions religieuses et des conflits civils.
- Une réactivation des groupes jihadistes et du terrorisme au Liban, soutenue par HTS en Syrie, pourrait être possible.
Pour l’Irak :
- Une victoire de HTS en Syrie pourrait inspirer des groupes similaires dans les pays sunnites voisins comme l’Irak.
- La résurgence de l’État islamique dans l’est de la Syrie pourrait déborder sur l’ouest de l’Irak. Le retour de l’État islamique en Irak s’accompagnerait de terrorisme et pourrait provoquer une guerre civile.
Lisez l’intégralité du fil de Jenan Moussa sur X @jenanmoussa